Les habitants du quartier de la Gare avaient fondé une association ayant pour but de propager l'idée de construire une église paroissiale. Après une longue et laborieuse activité, cette association eut la satisfaction de pouvoir s'assurer la cession d'un terrain à bâtir sur le plateau Bourbon, à l'époque encore inculte dans sa majeure partie.
A l'instar de toute la surface fortifiée du quartier de la Gare, le terrain en question était propriété de l'Etat. Situé à l'angle de la rue Elisabeth et de la rue Dicks, orienté vers le boulevard de la Pétrusse, il avait une superficie de 2 560 m². Les dimensions étaient basées sur les rapports de M. Luja, mon prédécesseur, en date du 6 décembre 1905 et du 31 janvier 1908.
D'après mes études de délinéament en vue de la construction en question, l'étendue de l'emplacement me parut fort insuffisante. Comme par ailleurs une activité de construire toujours grandissante se fit jour, il me sembla indiqué de toutes l'élargissement du terrain selon les possibilités encore existantes. Sur décision du Directeur Général de l'époque , M. de Waha, un nouveau plan de partage fut agréé, portant l'étendue du terrain envisagé de 2 560 m² à 3 180 m².
Le commencement de la guerre mondiale ainsi que les circonstances politiques locales de l'époque ne furent guère favorables à la construction de l'église. Voilà pourquoi l'étude des plans ne put être élaborée qu'en 1929. Leur exécution fut commencée en janvier 1930, la consécration eut lieu le 24 décembre 1932.
Dans le «Luxembuger Wort» du 23 décembre, Mgr Léon Lommel, professeur d'art religieux au Grand Séminaire, honora la nouvelle église d'une étude approfondie.
Citons-en quelques extraits:
«Quiconque a pu, en ces temps derniers, considérer de façon non prévenue l'aspect extérieur de la ville de Luxembourg a dû avouer que du point de vue architectural il manquait jusqu'ici au quartier de notre ville le plus moderne et le plus riche le finissage nécessaire et pour ainsi dire le couronnement, c'est-à-dire une église. Une église paroissiale conforme au nombre de la population et correspondant dignement à la vie individuelle très marquée de ce si florissant quartier.»
La construction de ce monument tant souhaité depuis des dizaines d'années compta sans nul doute parmi les nécessités les plus séduisantes du point de vue architectural de notre ville.
Il y a trois ans, le Conseil Communal confia alors le projet et l'exécution à l'Office architectural, sous la direction de l'architecte de la ville, M. Nic. Petit.
Le travail terminé, on peut considérer comme un concours de circonstances extrêmement heureux le fait que l'importante et considérable construction ait pu être achevée en une seule fois.
Pour qu'une oeuvre d'art soit vraiment belle et nous émeuve, il faut qu'elle remplisse avant tout une condition, celle de l'harmonie absolue. De nos jours précisément, alors que faisant de nécessité vertu, nous ne pouvons que soigner la ligne pure et noble; il importe avant tout de bien examiner les proportions et d'exécuter les travaux de la façon la plus consciencieuse.
L'église répond à ces deux exigences fondamentales. A l'architecture élégante et bien étudiée, correspond le fini de l'exécution technique.
Ceux qui pourraient ne pas apprécier la simplicité sévère de cette architecture, devraient toutefois convenir d'une stylistique parfaitement réussie, conférant au monument une intense vie intérieure et caractérisant dûment le but auquel il avait été destiné. N'avait-on pas précisément envisagé une église du Christ, puissante et solide, en face de la ville ancienne avec sa cathédrale aux tours élancées, une église du Christ en opposition justement à l'élégante et gracieuse église mariale? Le large et massif clocher, devenu le symbole dominateur du nouveau quartier bordant la vallée de la Pétrusse est à l'image de l'invisible puissance du Christ et correspond également aux tours défensives de notre quasi imprenable forteresse. Imposante aussi la charpente ininterrompue de la nef centrale, affirmant la longueur de l'église, même vis-à-vis de la lourde toiture du palais de l'Arbed.
En général l'architecture extérieure est d'une grande simplicité et d'une sobriété toute voulue. Seuls les trois portails se distinguent par leur architecture vigoureuse et la richesse de leurs ornements à la fois somptueux et élégants.
L'intérieur réserve une surprise: sa grandeur et da majesté dépassent de loin ce que la sobriété extérieure fait attendre au visiteur.
L'espace intérieur, moderne dans le meilleur sens du mot, tout en respectant la tradition, se rapproche de l'image de la basilique moyenâgeuse: triple nef avec traverse et plafond plat, en bois, orné de peintures.
L'un des mérites de l'architecte directeur est sans nul doute d'avoir à dessein abandonné la monotone et prosaïque esquisse d'un lieu unitaire, ceci non seulement dans le but d'une meilleure acoustique, mais aussi pour des raisons de bon goût et d'élégance.
L'ornementation intérieure relativement riche, mais devenue pour ainsi dire évidente grâce à la merveilleuse harmonie, a été conçue de façon généreuse, d'après un programme convenu d'avance et préparé en commun par l'architecte Petit et le professeur Linnemann de Francfort.
Pour la concordance des couleurs on se référa avant tout aux poutres de la voûte en bois. Par opposition aux murs blanchis à la chaux, c'est à dessein que des couleurs sombres furent choisies: rouge, noir, or et argent. Le fond est noir, les poutres plus légères sont d'un ton rouge foncé. La partie centrale du plafond, légèrement élevée, présente des panneaux gris aux monogrammes argentés, celle des côtés est sous forme de cassettes noires aux couronnes et trophées dorées.
L'effet solennel de l'intérieur est dû en grande partie à la somptuosité de ces couleurs ardentes de la voûte. Son caput mortunne rouge se retrouve dans les cassettes latérales assorties dans un doux ton rouge velours.
Pour accentuer l'effet de longueur de l'église (46 m) l'architecte a renoncé à l'effet liturgiquement beau et artistique d'un arc de triomphe séparant la nef du chur. La charpente de la nef centrale se prolonge au-dessus du chur, rechaussant ainsi l'effet de puissance. En même temps elle entraîne ainsi de force le regard du visiteur vers le centre artistique de toute l'église: au mur du fond l'image du Christ, haute de dix mètres, dominant par sa grandeur et sa majesté le chur et la nef.
L'intérieur de la nouvelle église est incontestablement une oeuvre de bon goût et une réussite du point de vue artistique. Son principal attrait consiste dans le fait que toutes les lignes convergent vers le chur large et majestueux, lequel, par la chaude coloration brun-or de son revêtement en travertin, constitue un cadre incomparable pour l'autel en marche noir, garni d'anges et de chandeliers en argent.
La nef centrale a une largeur de 16 m, même dimension pour la hauteur. La longueur intérieure totale est de 45 m, la largeur de 26 m. Le chur a 9,40 m de profondeur et 9,60 m de large. Le plancher y est rehaussé d'1 m. Le clocher s'élève à 31 m et se termine par une toiture de 10 m de haut. La superficie totale de l'église est de 1 450 m², celle su presbytère de 178 m², le tout atteignant 1 628 m², dont 1 057 m² pour le lumineux intérieur de l'église.
Pour l'église et le presbytère, ce dernier ayant deux étages ainsi qu'un étage mansardé, le devis s'était élevé à 4 100 000 frs. Dépense finale: 4 062 000 frs. Le bâtiment de l'église couvre un volume de 20 380 m³ à raison de 172, 32 fr le m³, celui du presbytère 2 985 m³ au prix de 186, 50 fr le m³.
La majeure partie de l'église et du clocher requit des fondations sous forme de piliers et béton armé, enfouis profondément, par endroits jusqu'à 11 m de profondeur dans les casemates. Les mesures haussèrent bien sûr les frais de façon considérable.
Selon l'usage local, la solide maçonnerie est en moellon, les piliers porteurs de la nef principale ainsi que les parties architecturales en pierre de construction. Celle-ci est fournie en majeure partie par les carrières d'Ernzen, d'autres matériaux proviennent de Savonnières. Les murs extérieurs et intérieurs ont été enduits de ciment-mortier.
La charpente en fer convient admirablement bien à soutenir la toiture, dont les ardoises proviennent des carrières d'Asselborn. le toit du clocher est en cuivre laminé. C'est grâce à la générosité des habitants du quartier de la Gare que l'église put être achevée d'un seul coup, car seule leur bienveillante contribution permit la réalisation des magnifiques vitraux des nefs latérales et de ceux du chur, l'installation du maître-autel, des fonts baptismaux, de la chaire, des confessionnaux, de l'éclairage, des cloches, l'aménagement de la sacristie et pour finir, après quelques années, l'acquisition de l'orgue. De même la grande peinture du chur de 10 x 10 m ainsi que celle de la voûte sont le résultat de cette générosité.
L'exécution fut confiée à des entrepreneurs et artisans luxembourgeois ainsi qu'à des ingénieurs des arts et métiers étrangers et Luxembourgeois.
Les frères Charles et Pierre Seiler furent chargés des travaux de terrassement, de maçonnerie, de taille de pierres et de bétonnage. Pour les constructions en béton armé, on s'adressa aux établissements Paul Wurth, pour la charpenterie de l'église à Pierre Guill, pour celle du presbytère à Jos. Becker, pour la ferblanterie de l'église à François Molitor, pour celle du presbytère à Math. Rinck. La toiture fut l'oeuvre de Nic. Winandy, la façade celle de J. P. Feyereisen. Le revêtement intérieur de l'église fut exécuté par P. Wormeringer, celui du presbytère par Emile Wagner, les voûtes centrale et latérales par Nic. Wagner-Pothas, l'installation électrique de l'église par Ph. Nouveau, celle du presbytère par Rob. Schuler. La maison Bradtke se chargea de la verrerie, Villeroy et Boch du carrelage du plancher de l'église, Ugen et Schmitz de celui du presbytère, Simon-Bailleux de celui des parvis. Les planchers en marbre et d'autres travaux encore furent réalisés par Hub. Jacquemart.
En fait de ferronnerie d'art Marcel Langsam exécuta le banc de communion, Michel Haagen le grillage des fonts baptismaux, Michel Modo et Nic. Koch les portes à battants, Jak. Arrensdorff installa la rampe de l'escalier menant au jubé. Pour les travaux de terrassement de l'église on choisit Orfeo Poggiali-Muller.
Les luxembourgeois E. Grosber, P. Kremer, J. Weins et N. Bestgen exécutèrent les sculptures d'après les modèles du sculpteur Joh. Belz de Francfort.
Pour la peinture de l'église et celle du presbytère citons respectivement J.K. Backes et les frères Huberty.
Les vitraux furent l'oeuvre de Thomas Schock, d'après les esquisses et ébauches du professeur Linnemann.
On confia à Math. Feltgen et à Jean Lentz les travaux de menuiserie de l'église, à Frç. Assa, Nic. Massard, Nic. Rolling et aux frères Coner ceux du presbytère.
L'entreprise Mahr fils d'Aix-la-Chapelle fut chargée de l'installation du chauffage de l'église, P. Weynandt de celle du presbytère. Charles Liesenbein se chargea des volets.
la fonte des cloches a été réalisée par Mabillon de Saarburg, la sonnerie électrique s'y rapportant fut installée par Meyer et Fisch.
Citons enfin Hubert Jacquemart pour l'élaboration des autels et fonts baptismaux, le professeur J.B. Wercollier pour l'esquisse des bronzes des autels ainsi que Haagen Michel pour leur fonte.
L'installation de la chaire fut confiée à Jean Lentz, celle des confessionnaux à E. Ronkard, celle des fonts baptismaux à Th. Mergen, l'aménagement de la sacristie à Fr. Erasmy.